Dans le terreau d’une certaine plante se trouve une larve aux étranges vertus psychotropes. Introduite dans l’organisme humain, elle permet de manipuler l’hôte inconscient de ce qui lui arrive et de lui ôter toute faculté de jugement. Victime de cette expérience, Kris se retrouve dépossédée de son travail, de son argent, et finalement de sa vie. Quelques années plus tard, elle rencontre Jeff qui semble avoir vécu la même intoxication. Ensemble, ils suivent la piste d’un fermier qui semble étroitement connecté à ce qu’il leur est arrivé…
Ce synopsis prometteur n’est que le début d’"Upstream Color", film impossible à résumer tant le mode narratif traditionnel va ensuite basculer vers un dépouillement total, une abstraction dramatique emportant le spectateur dans un univers de sensations, non verbal, un jeu de piste sensoriel où se croisent plusieurs personnages et plusieurs points de vue. Tandis que se mélangent des scènes réalistes et fantastiques, et que se noue en filigrane une histoire d’amour, l’héroïne reçoit des signaux des souvenirs visuels et sonores venus d’ailleurs, "Upstream Color" se fond dans l’atmosphère, la musique, pour ne plus laisser place qu’à l’émotion et au son.
Avec ce deuxième long métrage (après "Primer"), le touche-à-tout autodidacte Shane Carruth réalise, interprète, monte et met en musique un OVNI fascinant et déroutant, à travers lequel il expérimente un langage de l’émotion et se demande si c’est l’environnement ou le comportement qui dicte la façon dont on se voit soi-même, ou si c’est l’inverse. Une véritable expérience cinématographique.