Voici trois films de réalisateurs américains cultes, sensibles, et, comme on l’était à l’époque, nourris de thématiques sociales et politiques. Chacun met le folk en avant, de façon fort différente, mais cerne bien ce qu’il représentait dans les années 70 aux États-Unis. Du folk policé ou rugueux, des clichés et des tentatives de s’en dépêtrer. De la confusion et de la sincérité. Une Amérique qui essaie d’écrire son histoire, celle de son peuple racontée par des héros ou anti-héros, populaires et angoissés mais souriants.
Folk in New Hollywood au Nova
Arthur Penn, 1969, US, 35mm, vo st fr, 110'
"You can get anything you want, at Alice’s Restaurant." chante-t-il sur un riff de guitare rappelant les "rags" (comme dans "ragtime") des bluesmen redevenus à la mode au milieu des années 60. Arlo Guthrie, fils de Woody, en a entendu des cracks du rag blues, avec d’épiques textes improvisés ou soigneusement écrits, narrant des événements dramatiques ou décalés. C’est cette forme ironique qu’utilise Arlo dans ce morceau de 18 minutes qui ouvre son premier album éponyme. Arthur Penn ("Little Big Man", "Bonnie and Clyde"), voulant filmer le mouvement hippie en plein boum, illustre cette chanson autobiographique amusante. Alice et Ray vivent dans une église désacralisée accueillant tous les copains hippies qui passent, et ouvrent un restaurant. Puis, une histoire d’ordures déposées au mauvais endroit pour Thanksgiving permettra à Arlo, par ricochet, d’éviter la draft pour le Vietnam. C’est confus et c’est normal, Arlo aime balader les gens. Scène culte : il est rejoint par le vrai Pete Seeger pour chanter un morceau de Woody Guthrie, à Woody Guthrie (joué par un acteur), sur son lit d’hôpital.
Hal Ashby, 1976, US, 35mm, vo st fr, 147'
Alan Lomax suggéra à Woody Guthrie d’écrire des notes de contextualisation de ses chansons. Devant la vitesse à laquelle celui-ci s’exécuta et au vu de la qualité des textes, il lui souffla ensuite l’idée d’écrire une autobiographie. A 35 ans, Woody écrivait "Bound for Glory", joyau de la littérature américaine et exemple magnifique d’auto-fiction dont Hal Ashby, qui aimait à figurer la "contre culture" et présenter des idées progressistes, s’empara. Le plus hippie des réalisateurs du Nouvel Hollywood fut le monteur, entre autre, de "In the Heat of The Night" et réalisa "Harold et Maud". Il pensait à Tim Buckley pour incarner Woody à l’écran, il a en effet les cheveux bouclés et chante très bien, mais il est tout de même éloigné du côté bourru et gouailleur de Guthrie. Tim Buckley mourut d’une overdose avant le tournage, et c’est David Carradine ("Kung Fu", "Kill Bill") qui reprit le rôle. Il joue et chante vraiment dans le film. On s’éloigne sans doute beaucoup de la vie de Woody, déjà bien romancée dans le bouquin, mais la première utilisation de la steady cam au cinéma apporte au film une élégance et un flair seventies à la légende de Woody, qu’on est très heureux de vous montrer ici.
Walter Hill, 1981, US, 35mm, vo st fr, 99'
Après avoir écrit dans l’espace le script d’"Alien", réalisé un méchant film urbain new-yorkais ("The Warriors") et un western, Walter Hill se lance dans un succédané de "Deliverance", sans succès commercial. Les critiques y voient une métaphore de l’embourbement de la guerre du Vietnam, sans y adhérer. Keith Carradine (le frère de David, cf. "Bound for Glory"), et huit autres membres d’une patrouille militaire (dont Power Booth, Fred Ward, Peter Coyote) vont s’entraîner dans le bayou de Louisiane. Pour déconner, après leur avoir volé leur barque, ils tirent, à blanc, sur des cajuns redneckisants. Ceux-ci ne rient pas (faut dire que bon…), ripostent, et les poursuivent dans ce terrain qu’ils connaissent bien pour les tuer un par un. La réalisation et la photo sont superbes, le film bien mené, comme une série B de luxe. La musique non diégétique est assurée, comme souvent chez Hill, par Ry Cooder, dans un style americana fort plaisant. Film survival peuplé de rednecks (cf prog rednecks) très réussi, il propose une scène fabuleuse, où les derniers survivants, en civils, se retrouvent dans une fête Cajun où jouent Marc Savoy, Frank Savoy, John Stelly & Dewey Balfa !!
18.05 > 23:50