Coupe Circuit, le festival en ligne des réalités sociales, revient pour une seconde édition. Durant tout le mois de novembre, vous pouvez visionner les quinze productions retenues et voter. De plus, l'équipe du Festival vous propose une série d'entrevues avec les réalisateurs-trices.
Aujourd'hui, épisode #4:
- Entretien avec Caroline Nugues-Bourchat, réalisatrice de « De longues vacances »
- Entretien avec Yvan Hanon, réalisateur de « Sur le fil »
Entre les deux entretiens, un morceau tiré de la playlist "Protest song of the week", compilée par Quinoa asbl:
- The Preacher And The Slave – "Joe Hill" (1911) par Harry K. McClintock (1951)
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Figure emblématique de la chanson contestataire made in USA et référence absolue de Guthrie, Seeger, Dylan, Baez et Springsteen (entre autres), Joe Hill – de son vrai nom Joel Emmanuel Hägglund – nait en Suède en 1879. Il émigre en 1902, avec son frère Paul, vers les États-Unis où il adopte, dès son enregistrement à Ellis Island, le nom de Joseph Hillström. Il entame alors sa nouvelle vie de travailleur itinérant – hobo magnifique qui deviendra vite mythique – qui le conduira d’errance en errance, de petits boulots en petits espoirs vite déçus, de New York à Los Angeles. Voilà à peu près tout ce que nous savons de la biographie de Joe Hill jusqu’à son adhésion à l’I.W.W. vers 1910! L’Industrial Workers of the World, syndicat anarchiste, révolutionnaire et libertaire fondé en 1905, se différencie en effet des autres organisations ouvrières de l’époque par le fait qu’elle accepte tous les travailleurs sans exception, y compris les femmes, les afro-américains et les immigrés dont de très nombreux scandinaves!
Joe Hill s’y engage corps et âmes, grimpant rapidement dans cette organisation qui prône l’action directe, l’autogestion et la non-violence, organisant les dockers de San Pedro, prenant une part active aux grèves massives (Frazer River – Canada – en 1912 ou celle de l’Utah en 1913), mettant enfin tous ses talents artistiques au profit exclusif de la diffusion des idées de l’I.W.W.
Outre les dessins, bandes dessinées et autres caricatures dont il est prolixe, Joe Hill se fait surtout connaître par ses chansons militantes, humoristiques et poétiques! Il en écrira vingt-cinq au total, qui seront toutes publiées dans le Little Red Songbook de l’IWW entre 1911 et 1916, dont The Tramp (1913), There is Power in a Union (1913) ou encore Rebel Girl (1911) qu’il écrit en hommage à la militante syndicaliste et féministe Elizabeth Gurley Flynn (1890-1964).
La plus illustre d’entre-elles restera à jamais « The Preacher and the Slave » qui fut éditée le 1er février 1911 dans la quatrième édition du Little Red Songbook. Joe Hill, qui n’est pas musicien, y reprend comme à son habitude l’air d’une chanson qu’il souhaite parodier ou incendier, ici l’hymne de l’armée du Salut « In the Sweet Bye-and-Bye »! Le texte est férocement sarcastique et ironique. Il fustige le discours religieux qui ne promet aux démunis que souffrance en ce bas-monde contre monts et merveilles dans l’au-delà !
Long-haired preachers come out every night
Try to tell you what’s wrong and what’s right
But when asked how ‘bout something to eat
They will answer with voices so sweet
You will eat, bye and bye
In that glorious land above the sky
Work and pray, live on hay
You’ll get pie in the sky when you die
Cette chanson, plus connue à l’époque sous le nom de « Pie in the Sky » ou de « Long-haired preachers », restera longtemps la préférée des Wobblies (membres de l’I.W.W.). Elle assurera à Joe Hill une popularité dont il se serait bien passé puisqu’elle lui vaudra de se retrouver dans le collimateur des autorités. Face à la montée en puissance de l’I.W.W. et des syndicats en général, celles-ci entendent, en effet, en réduire l’influence rapidement et par tous les moyens !
Le scénario est connu et se retrouve à l’identique dans bien d’autres « affaires » (cfr Sacco et Vanzetti). Prenez un meurtre non-élucidé (deux si possible, c’est plus crédible !…), collez le/les sur le dos de celui/ceux que vous souhaitez éliminer, montez un procès bidon, mélangez bien le tout et vous obtiendrez une condamnation à mort en bonne et due forme !
Joe Hill fera les frais de cette recette machiavélique. La farce se jouera en Utah où il sera arrêté en janvier 1914 sous l’inculpation fallacieuse de double meurtre et, bien entendu, un jury de marionnettes ne manquera pas de le condamner à la peine capitale malgré l’indignation générale et la demande de révision du procès adressé par le président d’alors, le démocrate Thomas Woodrow Wilson, au gouverneur de l’Utah !
Joe Hill sera exécuté le 19 novembre 1915. Son dernier télégramme à l’I.W.W. se terminera ainsi : Ne perdez pas de temps à me pleurer, organisez-vous !
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