Tennyson a dit que si nous pouvions comprendre une seule fleur nous saurions qui nous sommes et ce qu’est le monde. Ȧ notre sens, la grande tâche de l’écrivain d’aujourd’hui est de chercher par tous les moyens, par tous les mots, à restituer un peu de cette intimité que personne ne partage plus. Il faut recréer l’ouverture et la libre circulation entre les règnes, écrit Jean-Pierre Otte. Rousseau avouait à ses amis : Je raffole de la botanique : cela ne fait qu’empirer tous les jours. Je n’ai plus que du foin dans la tête, je vais devenir plante moi-même un de ces matins (…)
Il y a environ trois milliards trois cents millions d'années, sont apparues, parmi d’autres formes de vie, les cyanobactéries, premiers organismes capables de tirer leur énergie directement de la lumière du soleil par le processus de la photosynthèse. Si nous voulions, nous aussi, être capables de recharger nos batteries au moyen de la photosynthèse, nous devrions mettre de côté nos envies de voyages, tant la mobilité coûte cher en énergie ; pour exposer le plus de surface au soleil, nous transporterions un attirail encombrant qui nous gênerait dans nos mouvements, voire les empêcherait. Elle est toute puissante, la chlorophylle. Nous aurions intérêt à lui obéir davantage, à ne pas oublier l’allégeance que nous lui devons. Logée dans ses chloroplastes pas plus grands que quelques micromètres, la prêtresse au langage divin s’unit charnellement à Phébus pour opérer la métamorphose. Sans elle, nous ne serions pas là pour, de toute façon, ne manger que des cailloux ou du sable.
Combien de gens réfléchissent vraiment à ce qu’est une feuille ? Pourtant, la feuille est à la fois le produit et le phénomène le plus important de la vie : nous vivons dans un monde vert, où les animaux sont en proportion moindres et peu nombreux, et où tout dépend des feuilles.
Francis Hallé
C’est à une « rêverie végétale » que je propose d’inviter l’auditeur. Une rêverie à la manière d’André Dhôtel qui, dans sa Rhétorique fabuleuse écrit ceci : (…) la grande affaire c’est qu’une séparation essentielle affirme qu’il existe deux univers, celui de la fleur et celui du cueilleur dans l’enchantement de leur ignorance réciproque où se partagent la nuit paisible et la lumière attentive. Nous ne sommes plus limités à notre monde et nous nous trouvons soudain au cœur de l’impossible. (…) Avec des mots comme avec des mains en prière pourquoi ne pas représenter l’inconcevable ?
Dans « Elles apparaissent, elles disparaissent », nous nous sommes intéressés aux voyages parfois surprenants que font les plantes, à leur présence insolite sur nos sols, communes d’un côté, rares de l’autre, acceptées ou indésirables…
Avec, dans l’herbier du Jardin botanique de Meise : Sandrine de Borman, platicienne / Lise Duclaux, performeuse / Geoffroy Mottard, artiste floral / Filip Verloove, biologiste
Ainsi que : Gabriel Valet, académie de patois gaumais /Etienne Renoir, jardinier
Conception, réalisation, montage : Christine Van Acker
Création sonore, mixage : Thierry Van Roy
Production : Les grands lunaires asbl
www.lesgrandslunaires.org