« Auparavant les tableaux s'acheminaient vers leur fin, par progression. Un tableau était une somme d'additions, chez moi, un tableau est une somme de destructions. »
La phrase est de Picasso, génie matière des géométries post-figuratives, et à la regarder on songe que dans ce siècle des révolutions cubistes en lien avec celles des sciences et des techniques révélant aux hommes de nouvelles visions de l'espace et du mouvement, Antoine Loyer aurait pu être ce jeune peintre sonore refusant les trouvailles successives, déstructurant en même temps qu'il la révèle la matière chanson.
Certains titres d'ailleurs de ses petits formats pourraient aussi bien être ceux-là des toiles des modernes. Mais point de préméditation pour ceux-ci, Antoine Loyer donne à ses objets le nom qui leur appartient, et ce nom n'est pas une illustration de ce qu'ils contiennent de prose interrompue, fragmentée, élémentaire, rigoureuse, sans but poétique, un exercice spirituel sans complaisance, et si la fonction du langage est d'exprimer le rapport des choses, Antoine Loyer met un scrupule religieux à dire la chose et non pas l'idée de la chose avec un certain goût tantôt pour l'incohérence, en ce qu'elle délie l'enchainement, du dada en somme à contre-mort, apparitions, épiphanies drôlatiques.
Hors la métrique, hors la rime, A.L. bouleverse les formes, les structures, se passe le plus souvent des répétitions, se manifeste dans un patois à énigmes, recréé une ponctuation ordonnée d'étoiles, d'espaces, de croix, de tirets, parenthèses, apostrophes qui prennent valeur de mots et identité visuelle, il traduit de français à français.
Mais ce qui surprend entre les lignes de ces provocations linguistiques qui n'ont d'insolence que leur loyauté, c'est la tendresse bégayée, l'intense épure et la précise jeunesse, amoureux et noble aplomb sans apitoiement, comme au delà d'une vie assimilée, déjà longue, redistribuée, neuve.
Léonore Boulanger
diffusion le 30/09/2019
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