Psylence s'interroge sur l'univers psychiatrique et si celui-ci est normé. On se demande aussi si c'est pas la société qui est anormale plutôt que des citoyen.nes qui tournent pas rond?
Pour cette émission, retrouvez vos animatrices et chroniqueuses de choc et leur invité du jour François Wyngaerden, Docteur en sociologie, professeur à l'UCL louvain, coordinateur de Rézone et ex-chroniqueur psylence.
C'est l'occasion aussi de jeter un coup d'oeil retro-actif sur la campagne "normalité" de l'Autre "lieu"
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"S’il est facile de s’accorder sur la notion de l’anormalité, ce qui désigne tout ce qui est en dehors des normes, il m’apparait nettement plus compliqué de s’entendre sur que sont les normes. Les normes évoluent tout au long de l’histoire. Avant 1949, il était inconcevable ici en Belgique que les femmes votent. L’avortement a été dépénalisé en 1990. Avant 2002, pas question d’euthanasie active. Avant 2003, il était impossible à deux personnes du même sexe de se marier. Avant 2020, qui aurait pu croire qu’une transgenre devienne ministre ? Les normes se modifient au gré des époques et avec elles la notion d’anormalité. Pour un mieux, bien souvent chez nous, en vertu d’avancées sociales légitimes.
Mais qu’en est-il de la santé mentale ? En 1935, on soignait par lobotomie, cette charmante pratique qui consistait à enfoncer un pic à glace dans l’orbite du patient grâce à un marteau. En 1940, progrès technologique oblige, les soignants administraient un courant électrique dans le cerveau pouvant aller jusqu’à 200 volts, à l’aide de deux électrodes placées sur les tempes. Aujourd’hui, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : la psychiatrie a sa nouvelle Bible, le DSM, qui apporte à chaque trouble une réponse médicamenteuse appropriée. Un antidote contre l’anormalité désormais ? Rien n’est moins sûr….
Ce juteux business pharmaceutique a fait de la pathologisation son credo et chaque comportement anormal, en dehors des normes donc, est toujours considéré comme une maladie. Dans le DSM 5, dernière version datée de 2015, on recense 400 troubles mentaux contre 100 à peine dans la première édition parue en 1952. Une progression de 400% qui stigmatise plus encore les gens qu’autrefois. Etrangement, les déviances explosent exponentiellement, comme la notion d’anormalité par voie de conséquence.
La question est de savoir si notre époque est propice à un déchaînement de la confusion mentale ou si, plus prosaïquement, l’appât du gain crée l’anormalité au profit de psychiatres et de laborantins serviles, devenus tous plus fous que les individus qu’ils prétendent aider ? Fous d’enrichissement, sur le dos de cobayes désemparés prêts à croire le premier prophète de pacotille venu ?
Comme nous sommes à quelques jours d’un événement cher aux Chrétiens, je me permettrai de citer deux phrases d’un homme qui a toujours eu à cœur de guider bienveillamment et gratuitement ses semblables :
« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » et « Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. »
Pour avoir prêché l’amour du prochain, qu’il soit normal et surtout anormal, ce brave type a fini sur une croix. Et s’il revenait aujourd’hui parmi nous, il finirait dans une chambre capitonnée. Un obscur psychanalyste, Frédéric Joi, lui a diagnostiqué une « mégaparanoïa » profonde, une « tendance sadique-anale » et un sérieux « complexe d’Œdipe inversé ».
Pas sûr que deux-milles ans plus tard, nous ayons fait, finalement, de grandes avancées dans l’accueil de l’anormalité à tous points de vue. Je vous souhaite malgré tous un joyeux Noël à toutes et tous."
Gwendoline Menassa