Tristan Jean Manchette a 9 ans lorsqu’il assiste au tournage de "Nada", adapté du roman de son père Jean-Patrick Manchette (1942-1995) par Claude Chabrol. Très vite, il suit les traces de ce père cinéphile, passionné par les westerns et les films noirs, proche de l’Internationale situationniste, romancier ("Laissez bronzer les cadavres", co-écrit en 1971 avec Jean-Pierre Bastid, est sa première Série Noire), critique littéraire et de cinéma, traducteur, scénariste et dialoguiste de films…
À 16 ans, Tristan Jean entre dans la rédaction de Métal Hurlant et adopte le pseudonyme de Doug Headline en hommage à son père (dont les chroniques dans Charlie Mensuel étaient signées Shuto Headline) et à l’acteur Douglas Fairbanks. Il va ensuite être chroniqueur de cinéma et journaliste (Actuel, Libération, Nitro, The Face, Rock & Folk…), auteur de plusieurs livres-jeux (mais aussi d’une monographie sur James Stewart, d’un recueil d’entretiens avec John Cassavetes), co-fondateur et rédacteur en chef de Starfix, éditeur, directeur de collection, scénariste de BD et de cinéma, réalisateur de documentaires et de fictions, maître d’œuvre de la réédition des ouvrages de son père… Plusieurs fois adapté au cinéma ("Folle à tuer" d’Yves Boisset, "Trois hommes à abattre" de Jacques Deray, "Pour la peau d’un flic" d’Alain Delon…), celui-ci fut rarement emballé par le résultat. Son fils est du même avis : jusqu’il y a peu, le seul bon Manchette à l’écran c’était "Nada"… Mais maintenant il y a "Laissez bronzer les cadavres", qui perpétue le style précis et tranchant de l’auteur, entièrement dédié aux comportements de ses protagonistes.
Fin connaisseur de la Série Noire, Doug Headline sera notre invité (aux côtés d’Hélène Cattet & Bruno Forzani) pour parler du périlleux exercice de porter un roman à l’écran, de l’œuvre de son père, ou encore du sous-genre "néo-polar" que celui-ci inaugura,…
+ Nada
Claude Chabrol, 1974, FR, 35mm > video, vo fr , 133'
Quatrième roman de Manchette, le plus ouvertement politique, "Nada" raconte l’enlèvement de l’ambassadeur des États-Unis par un groupe anarchiste. Manchette se positionne sur ces années rouges, en vitriolant aussi bien le pouvoir en place que la lutte armée dans laquelle il voit "un naufrage dans le spectacle" et "une véritable catastrophe pour le mouvement révolutionnaire". Seule adaptation de Manchette où il signe aussi le scénario, "Nada" est réalisé par Claude Chabrol, qui semble lui s’intéresser à la grande comédie politique se jouant en coulisses (petites bassesses, grandes ambitions, mollesse générale, trahisons de tous ordres et rivalités mesquines), dont il dresse un portrait grotesque et glaçant.