Ce mercredi de rentrée, j'aurai le plaisir d'accueillir Bruno Bauraind du GRESEA dans les Promesses de l'Aube.
Ils seront là pour disséquer le dernier numéro du GRESEA Echos, intitulé : Aéroports wallons : comment atterrir ?
Cela promet d'intéressantes discussions.
En voici l'édito pour vous donner un aperçu:
Déjouer « l’engrenage productif » dans les aéroports wallons
Cédric Leterme
1989, la chute du mur de Berlin ouvre la voie à un triomphe désormais mondial du capitalisme. La même année – réforme de l’État oblige – la Région wallonne hérite d’une nouvelle compétence : la gestion des aéroports. L’occasion est belle. Tourner la page de l’industrie lourde pour se projeter dans le 21e siècle et ses promesses de « mondialisation ».
Trois décennies – et des milliards d’investissements publics – plus tard, les tours de contrôle ont succédé aux hauts-fourneaux. Liège et Charleroi ne vivent plus de sidérurgie, mais d’aéroports. « Ils ont réussi », titrait fièrement une brochure éditée à Liège pour les vingt ans de l’occasion [1]. « Ils » ? Les « forces vives » liégeoises et carolos (partis politiques, entrepreneurs, dirigeants syndicaux), qui ont su dépasser leurs clivages partisans et idéologiques pour s’unir derrière une nouvelle stratégie aéroportuaire.
« Ils ont réussi », donc…
Mais quoi, au juste ? Et à quel prix ?
En 1980, le sociologue américain Allan Schnaiberg proposait le concept « d’engrenage de la production » pour décrire le cercle vicieux qui caractérise les démocraties capitalistes [2]. La croissance y structure en effet les intérêts et les relations entre la plupart des forces sociales organisées, à commencer par l’État, le capital et le monde du travail – quoique pour des raisons et selon des modalités différentes. Mais avec pour résultat, comme le souligne un autre sociologue, Brian Obach, qu’« ensemble, ces trois acteurs produisent à la fois les moyens et la volonté de perpétuer et d’étendre un système de production qui menace d’épuiser les ressources, de rompre les cycles des écosystèmes et finalement de détruire les fondements matériels de la vie et de la société » [3].
Comment ne pas faire de parallèle avec l’unanimisme politique et syndical qui règne autour des aéroports wallons ? Au nom de l’emploi, les « forces vives » locales défendent en effet depuis trente ans le développement d’infrastructures aux conséquences pourtant de plus en plus catastrophiques pour la santé et l’environnement… mais aussi pour les droits des travailleurs.
Cette nouvelle édition du Gresea Échos propose un retour critique sur « l’engrenage de la production » qui caractérise les aéroports wallons... pour mieux le déjouer ?
Le premier article revient sur les origines du choix du secteur aéroportuaire comme substitut à la sidérurgie dans un contexte de libéralisation du ciel européen et de régionalisation des compétences en Belgique. Il décrit également les caractéristiques et les conséquences d’une stratégie de croissance wallonne dépendante d’un nombre restreint de gros opérateurs étrangers.
Le deuxième article se penche sur l’utilité concrète des aéroports wallons. Une question d’autant plus importante que ces derniers bénéficient d’un important soutien financier de la part des pouvoirs publics. Or, que ça soit le tourisme low cost à Charleroi ou l’e-commerce chinois à Liège, l’utilité sociale de ces activités pose question, alors même qu’il est urgent de remettre ce critère au premier plan pour répondre aux différentes urgences (écologiques, sociales) actuelles.
Le troisième texte démontre quant à lui que la baisse du trafic aérien est une nécessité si l’on veut s’assurer que le secteur s’inscrive dans une trajectoire compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. Un constat qui pose dès lors la question de la reconversion au moins partielle des travailleurs de l’aérien… Un défi aussi crucial que difficile à aborder pour les organisations syndicales, pour des raisons explicitées dans le quatrième article de ce numéro.
Enfin, parce que les enjeux que soulève le développement aéroportuaire ne se limitent évidemment pas à la Wallonie, et que les résistances qu’il suscite tentent également de dépasser les situations locales, nous clôturons ce numéro par un entretien avec une militante du réseau international Stay Grounded/Rester sur terre qui évoque à la fois l’importance et les défis qui entourent ce combat, à commencer par les relations souvent difficiles avec le monde du travail...
Un monde du travail dans lequel Brian Obach continue néanmoins de voir « le maillon le plus faible de l’engrenage » et « la meilleure possibilité de réorienter le système dans son ensemble ». À condition, toutefois, d’opter pour une stratégie écologique rompant radicalement avec l’économisme et le productivisme. Mais à condition, aussi, que la « transition » portée par le mouvement environnemental ne se fasse pas, à l’inverse, malgré et contre les travailleurs, mais bien pour et avec eux. Puisse ce double appel être entendu, et ce numéro y contribuer, même modestement.
Sommaire
Éditorial : Déjouer « l’engrenage productif » dans les aéroports wallons
Cédric Leterme
Aux origines de la stratégie aéroportuaire wallonne
François Lohest (ULB), David Aubin (UCL)
Tourisme low cost et e-commerce : quelle utilité sociale ?
Cédric Leterme
La baisse du trafic aérien, une nécessité
Collectif Pensons l’aéronautique pour demain
Développement aéroportuaire : comprendre le positionnement syndical
Bruno Bauraind
En lutte contre les projets de développement aéroportuaire
Interview de Charlène Fleury, Stay Grounded, par Cédric Leterme
Playlist:
- Alle Ampeln auf Gelb - Pete Astor
- Weather Pattern - Anna Ash
- Keep on Falling - VoX LoW
- A Message to You Rudy - The Specials
- Ain't No Mountain High Enough - Claudine Longet
- Sex & Drugs & Rock&Roll - Ian Dury
- Les Oiseaux Parents - Sages Comme des sauvages
- Memories Of A Palestinian Wound - Amal Murkus
- Comme un Avion Sans Aile - CharlElie Couture
- Alone Again Or - Love
Illustration : http://www.gresea.be