En 2003, Gus Van Sant s’inspire d’ "Elephant" d’Alan Clarke, projeté en deuxième partie de soirée, pour réaliser un film autour de la tuerie du lycée de Columbine. Outre le titre d’Alan Clarke, Van Sant se saisit de l’esthétique du film, faite de travelling accompagnant les personnages et de boucles temporelles. C’est que le but de Van Sant est le même que celui de Clarke : comprendre cet « éléphant dans notre salon », selon l’expression anglaise, c’est à dire dévoiler les soubassements sociologiques d’un problème que personne ne veut voir, aussi gros soit-il, qu’il s’agisse du conflit nord-irlandais dans un cas, ou du malaise contemporain des adolescents américains dans l’autre. Comme les commentateurs de faits divers, Van Sant égrène les possibles explications : famille démissionnaire, environnement hostile du lycée ou encore… le jeu vidéo, évoqué également par son traitement de l’image inspiré des jeux en first person shooter. Mais aucune explication ne suffit : quelque chose, dans cette soudaine violence, résiste. Rien n’obéit à une chaîne causale simple. Comment alors mettre à jour un système qui fonctionne comme une algorithme complexe insaisissable ? Ici, Van Sant touche aussi le jeu vidéo, au-delà de son évocation : tourner inlassablement en rond dans un monde pour en comprendre les règles sous-jacentes, et pouvoir enfin régler son compte au boss de fin : l’Elephant.
Elephant au Nova
Alan Clarke, 1989, IE, HD, sans dial, , 39'
En 1989, Alan Clarke réalise pour la télévision "Elephant", une suite d’exécutions toutes issues de rapports de police réels, qui dresse le sombre portrait de l’Irlande du Nord de l’époque, en plein climat de guerre civile. Un quart de siècle plus tard, Hugo Arcier remet en scène "Elephant" dans le jeu vidéo GTA 5 avec "Eleven Executions". Ces œuvres mises côte-à-côte donnent quelque peu l’impression d’observer un joueur en pleine session d’un jeu de die and retry : essayer, mourir, réessayer. Avec Gus Van Sant dont le film ouvre la soirée, les trois auteurs tentent chacun à leur manière de percer le mystère de la violence, et ses logiques systémiques. Si Alan Clarke nous montre de manière succincte un simple corps en action, pour nous laisser chercher des réponses dans les décors, les démarches, les vêtements..., Hugo Arcier, observe la réaction des algorithmes face à la tuerie. Chaque exécution est rejouée deux fois, et le jeu répond différemment à chaque fois. Ces films cherchent le graal du joueur et du citoyen : comprendre le code du jeu pour le maîtriser, comprendre le système pour s’en libérer.
Pour clore cette soirée nous inviterons poliment le public à découvrir Postal², jeu de run and gun ultra-violent et malsain. Comment alors, aux vues de tout ces traitements évoqué pendant la soirée, peut on comprendre la représentation de la violence aujourd’hui ? Les jeux vidéos rendent-ils violent ? Et si ce reproche, longtemps fait aux jeux interactifs, ne tenait pas ? S’il confondait la source et le réceptacle de la violence d’une société ? Venez vous faire votre avis.